Avant la crise du coronavirus, j'avais initié une série d'articles sur le marketing d'influence. J'ai en réserve des témoignages passionnants, malheureusement, ils ne collent plus vraiment à ce que nous vivons aujourd'hui ... En revanche, la communication via les influenceurs reste d'actualité et nous voyons fleurir certaines initiatives intéressantes. D'autres le sont moins. Pour faire un point sur la situation, j'ai interrogé des professionnels de la communication pour qu'ils partagent leur point de vue et leur vision sur la crise actuelle.
Bonjour Caroline, tu es Responsable de la communication de Reech, peux-tu nous parler de cette entreprise ?
Bonjour Olivia. Et merci de cette sollicitation 🙂
Reech est une entreprise experte du Marketing d’Influence. Notre technologie propriétaire, couplée à l’expertise de 60 collaborateurs, nous permet, pour chaque marque que nous accompagnons (Unilever, Carrefour, Coca-Cola, Philips, Musée du Quai Branly, groupe Galeries Lafayette, Spontex), de construire leur écosystème d’influence .
Pour t’expliquer cela plus concrètement : qu’elles souhaitent un accompagnement clé en main, un socle technologique leur permettant d’internaliser l’influence ou un entre-deux, grâce à nos différentes offres (brand tech, qui fonctionne en “mode agence” et Reech Influence Cloud, notre offre techno), nous permettons aux marques de “placer le curseur” d’un accompagnement en Influence Marketing sur une infinité de positions.
Vous accompagnez les entreprises dans leur campagne de communication grâce aux influenceurs. Comment ont réagi vos clients à l’annonce du confinement ?
Bien sur certains de nos clients, dans le flou, comme nous tous, ont préféré reporter leur campagne. De notre côté, avant même l’annonce du confinement, nous avions pris la pleine mesure de cette crise sans précédent. Les équipes ont conseillé à certains de nos clients de reporter leur campagne ou d’en revoir la mécanique pour qu’elle soit adaptée au contexte.
Et les influenceurs ?
Comme tu le sais, ils ont été nombreux à mettre à profit leur influence pour appeler au soutien des organisations de santé, inciter à respecter les gestes barrières, à rester à la maison, et prennent de nombreuses initiatives pour aider leurs followers à garder le moral, et la forme, pendant cette phase de confinement.
De notre côté, nous les avons sollicité très vite pour les féliciter de toutes ces initiatives et les encourager à faire passer les messages de précautions sanitaires, notamment, à leurs communautés. Nous les avons invités à rejoindre le mouvement #InfluencePower qui tend à montrer que l’influence a du sens. Via une adresse email dédiée, ils partagent leurs idées et initiatives positives liées à cette crise. Nous partageons d’ailleurs chaque semaine sur notre blog une sélection d’initiatives d’influenceurs. Ils sont très impliqués et donnent, en ce moment même, beaucoup de sens au mot “communauté”.
Est-il possible pour les entreprises commerciales de continuer à communiquer en temps de crise ?
Bien sur. Et je vais ici citer Guillaume, le CEO de Reech :
“On a le droit de communiquer, pas d’être maladroit”.
On ne peut pas communiquer sur tout et encore moins n’importe comment. Mais rappelons tout de même qu’en cette période, nous avons des besoins et les entreprises qui peuvent y répondre sont légitimes à le faire savoir.
Si la communication peut être très glissante en période de crise, c’est peut-être le moment pour elles de rendre leurs valeurs concrètes et de s’interroger d’abord sur la manière dont elles peuvent être utiles à la société. Agir d’abord, communiquer ensuite.
Alors que l’on a peu la tête en ce moment à la légèreté, comment les influenceurs peuvent-ils continuer à accompagner les entreprises ?
Confinés, les gens passent plus de temps sur les réseaux sociaux que d’ordinaire. Et c’est normal, on y trouve des contenus créatifs voire récréatifs. On a besoin d’occuper nos journées, de garder un lien avec les autres, et de continuer à avoir des projets : de voyage, de sorties, d’ameublement, car si le temps est suspendu, la vie continue.
Les réseaux sociaux, et les contenus des influenceurs, sont une mine d’or pour s’inspirer.
L’influence a cela d’avantageux qu’elle opère sur les réseaux sociaux : les messages et contenus postés sont ancrés dans le quotidien des gens. Cette instantanéité permet de contextualiser tous les posts car il serait maladroit de parler de quelque chose en donnant l’impression qu’on fait fi du contexte actuel. Et il faut arrêter de taper sur les influenceurs qui honorent leurs partenariats avec les marques. Eux aussi ont envie de travailler et de se rendre utiles. Ils sont plus nombreux à êtres habiles et créatifs que maladroits.
Puis, disons le, le confinement force leur créativité. Ils nous montrent ce qu’ils ont trouvé pour mieux vivre cette période, se mettent en scène de façon cocasse. Je pense qu’on a pas de mal à s’identifier à cette influ qui a trouvé le moyen de prendre le soleil depuis sa fenêtre, en maillot de bain, à celui qui a transformé son salon en salle de sport, ou qui suit un programme culturel précis, à celle qui fait des recettes avec les restes du frigo, à celui qui s’est lancé dans un ménage de printemps ou a découvert de géniales méthodes de rangement, etc. Puis ils initient ou suivent des tendances comme le #stayathomechallenge, #Restezchezvous, les meet up avec leurs communautés, les lives.
De nombreux annonceurs sont légitimes pour s’associer à tout ça (de nombreux, pas tous). Il faut juste bien penser la mécanique et ne pas oublier qu’un influenceur acceptera une collaboration s’il est en phase avec les valeurs de la marque, et la campagne*, comme le montre notre étude annuelle dédiée à la relation marques et influenceurs.
On espère un
effet rebond dans la communication des entreprises après le
confinement mais on sait aussi que celles dont les trésoreries
seront le plus touchées risquent de resserrer les budgets et
délaisser la communication et notamment le marketing
d’influence.
Comment les convaincre de maintenir leur campagne
de communication avec les influenceurs ?
Tu es plus pessimiste que nous 🙂 Je crois qu’en ce moment, la priorité des entreprises est triple : sanitaire, RH et économique. Mais elles sont aussi nombreuses à vouloir anticiper le rebond d’activité et savent que si elles ne communiquent pas au moment où ça repart, c’est la double peine. D’ailleurs, on observe de notre côté que la majorité des campagnes ont été reportées, pas annulées. Le report, cela veut aussi dire, comme évoqué un peu plus haut dans mes réponses : revoir certaines mécaniques, certains messages, surtout si les campagnes étaient pensées autour de marronniers ou de la saisonnalité.
Aussi, sur les campagnes de type ambassadeurs, qui sont donc en fil rouge tout au long de l’année, Guillaume le disait à CB NEWS dans une interview : on ne recommande pas aux marques de les suspendre. Les influenceurs ambassadeurs partagent les valeurs et l’univers de la marque. Ils relaient les messages et les temps forts de celle-ci : les mettre à l’écart en ce moment, c’est totalement contre productif (et peut être même un peu hypocrite). Ils sont des relais d’opinion importants et un lien avec l’audience / les aficionados de la marque. Ambassadeur un jour, ambassadeur toujours !
Avant cette situation sans précédent, j’avais vraiment la sensation que le marketing d’influence allait se transformer profondément … A ton sens, quels impacts cette crise aura-t-elle sur les influenceurs ? Va-t-elle accélérer la transformation du marketing d’influence ?
Je crois que l’opinion va changer de regard sur les influenceurs. Tout au long de l’année, certains médias contribuent à entretenir les préjugés autour de l’influence, mais cette période montre à quel point elle est puissante. Le premier ministre du Québec les sollicite pour sensibiliser leurs communautés aux risques liés au virus COVID-19, une influenceuse italienne a collecté des millions d’euros en faveur d’un hôpital, en appelant aux contributions de sa communauté, l’OMS et Santé public les sollicite aussi pour contribuer à sensibiliser les esprits à l’importance du confinement.
Si tu te penches sur tous les articles de presse qui abordent le sujet de l’influence en temps de crise, le ton s’est adouci : on parle de leurs initiatives et des montagnes qu’ils soulèvent en activant leur communauté.
Cette période montre les influenceurs pour ce qu’ils sont : créatifs, engagés et passionnés !
Penses-tu que cette période puisse faire émerger de nouveaux influenceurs mais aussi de nouvelles entreprises ?
Cette crise souligne des failles sur lesquelles des gens brillants sont surement en train de plancher pour faire émerger de nouveaux outils, de nouvelles technologies, de nouveaux services pour y remédier.
Quant à l’influence, tu l’auras peut-être remarqué, de nouveaux comptes, animés sur des registres différents, et déjà très suivis, ont émergé : @coronaminus_kid qui donne des conseils aux parents pour occuper leurs enfants, @kohlantavirus qui aborde avec drôlerie le confinement en appartement, @sauvetonsoignant qui met en relation couturiers et soignants pour échanger les masques sanitaires disponibles, @ecritsconfines qui anime des ateliers d’écriture, @creustel qui nous tord de rire en doublant de manière parodique des extraits de films, et bien d’autres encore.
Et il y a fort à parier que la consommation extrême des réseaux sociaux aura aussi donné des idées, aura été source d’inspiration pour certains utilisateurs, qui auront envie à leur tour de partager leur passion, leur engagement, et de créer du lien avec une communauté.
Comment Reech se prépare à l’après-coronavirus ?
En pensant moins à aujourd’hui pour se concentrer sur le plus important : préparer demain. Certaines entreprises vont cumuler une « dette coronavirus » qui les rendront immobiles au moment du rebond. Chez Reech, on tâche justement de prendre les décisions qui nous permettront d’avoir les moyens humains et financiers pour être prêts au moment où la situation sera revenue à la normale. Réduire la voilure des dépenses aujourd’hui, sans mettre de côté l’humain.
*73% des influenceurs refusent un partenariat avec une marque par manque d’intérêt pour la campagne, 59% car ils n’adhèrent pas aux valeurs de la marque.
