Depuis plusieurs mois, je sens que le marketing d’influence – le fait pour une marque de favoriser sa visibilité grâce aux influenceurs – est à l’aube d’une nouvelle ère. Marques moins convaincues, souvent déçues, public lassé, influenceurs à la fois plus professionnels mais parfois plus opportunistes, travailler avec ces derniers n’est pas une mince affaire. Si parfois je sens le secteur au bord de l’effondrement – certains parlent même de bulle – je pense plutôt que le temps insouciant de l’influence à tout va se termine pour plus d’exigences et de rigueur, portant l’attention sur de nouveaux acteurs délaissés en leur temps, comme les journalistes ou les experts professionnels.
Le marketing d’influence, je le suis maintenant depuis quelques années, à triple titre :
- Comme créatrice de contenus : mes blogs, Juriste in the City suivi par La fille de l’encre depuis 2012 aussi Encre-virtuelle depuis quelques mois
- Comme consultante en communication digitale : je mène pour mes clients des campagnes de visibilité/notoriété grâce aux influenceurs
- Comme enseignante en marketing digital : j’apprends à mes étudiants pourquoi et comment activer ce nouveau canal de communication.
Et c’est dans chacune de mes activités que je sens le monde de l’influence évoluer.
Le marketing d’influence vu par une blogueuse voyage
Dans le monde de la blogosphère voyage, clairement, les choses bougent. Ou pas d’ailleurs, ce qui me fait dire qu’un tournant se profile.
Je travaille avec des destinations, des hébergeurs, des professionnels du tourisme depuis 2014 environ. Si je n’ai jamais couru après les partenariats – mon blog voyage n’a jamais eu vocation à être une activité professionnelle à 100% – force est de constater que les collaborations intéressantes se font rares.
Bien entendu, avant de jeter la faute sur le secteur, j’ai bien recherché du côté de mon blog et clairement, il manque d’intérêts pour certains : je ne fais pas de vidéos – grosse erreur en 2020 ! – ma communauté active et engagée se développe mais à petite échelle, la combinaison carnets voyage/questions de société déconcerte parfois, je refuse plus de propositions que je n’en accepte … cet ensemble conjugué à une « concurrence » importante des blogs voyage fait qu’il est difficile de rester « bankable » auprès des annonceurs. Pour autant, ce que je constate sur mon propre support, je le constate globalement : les destinations organisent beaucoup moins de blogtrips qu’il y a, ne serait-ce qu’1 an, les collaborations se font plus éparses et surtout elles ne sont plus l’exclusivité des seuls influenceurs voyage et s’ouvrent à d’autres secteurs de l’influence : mode, beauté, food et lifestyle en tête.
En discutant avec des professionnels du secteur du tourisme, je sens aussi très clairement une désaffection envers les influenceurs voyage. Pour certains, si la professionnalisation du secteur a apporté de la qualité sur les supports, elle a aussi donné la grosse tête et fait gonfler les chevilles.
Interrogez les responsables presse des offices du tourisme et chacun aura à vous raconter, l’histoire d’un devis exorbitant d’un influenceur … Des professionnels m’ont très clairement dit en avoir assez des demandes mirobolantes de quelques influenceurs qui ternissent l’ensemble du secteur. Parfois même des contrats ne sont pas honorés ou les engagements sont peu ou pas respectés … et cela touche toutes les typologies d’influenceurs voyage.
Comment reprocher à une destination de ne plus faire confiance aux influenceurs alors que le contrat rémunéré n’a pas été respecté ?
De l’autre côté, restent encore – et ils sont trop nombreux – ces annonceurs qui prennent les blogueurs/instagrammeurs/youtubeurs pour des jambons en posant des contraintes terribles pour une rémunération en … visibilité !
Comment reprocher aux influenceurs de ne plus faire confiance aux annonceurs lorsqu’ils tentent d’obtenir beaucoup contre de la visibilité ?
Forcément, ces relations bancales laissent des traces des deux côtés et sont dommageables pour l’ensemble du marketing d’influence.
Il y a clairement du boulot à faire de part et d’autre … les influenceurs vont devoir être plus raisonnables, tout en continuant à donner de la valeur à leurs créations de contenu, tandis que les professionnels devront se positionner sérieusement et cesser de penser que la visibilité paie les factures…
Le marketing d’influence vu par une consultante en communication digitale
Je suis gênée de dire ça mais sincèrement, travailler avec des influenceurs, ça devient très compliqué !
Entre ceux qui te sollicitent mais ne répondent pas au premier mail ni aux suivants, ceux qui prennent le produit objet du partenariat, n’en parle jamais à leur communauté et disparaissent presque sans laisser de trace, ceux qui demandent 1000 balles pour rédiger 10 lignes, ceux qui ne connaissent pas grand-chose au SEO, ne savent pas ce qu’est une ancre et à qui il faut apprendre à insérer des liens … mener une campagne de marketing d’influence peut vraiment devenir une activité chronophage !
Alors forcément, ça inquiète les annonceurs, les entreprises. Mais de leur côté, eux aussi ont leur grosse part de responsabilité. Je ne compte plus les entreprises qui me disent que travailler avec des blogueurs est une perte d’argent et de temps. Ces entreprises, je les interroge alors sur leur stratégie, leurs cibles, les conditions posées au partenariat, les outils de mesure de leur campagne … Souvent, elles me regardent avec des yeux ronds. On ne peut qu’être déçu si on se lance dans une telle campagne sans préparation et c’est pourtant ce qui arrive très souvent.
Seules les entreprises capables de comprendre que le marketing d’influence mérite une stratégie, une réflexion, un suivi, une analyse sauront faire de ce mode de communication une réussite.
Le marketing d’influence vu par une enseignante en marketing digital
Dans le cadre des cours que je donne à des étudiants en BTS et Licence, je croise des jeunes gens de tout univers qui travaillent d’ores et déjà dans l’immobilier, le commerce, l’assurance, le tourisme … des purs représentants des gamins de leur époque, la Génération Y.
Dans les programmes pour lesquels je suis sollicitée, je leur enseigne le marketing d’influence. S’ils n’ignorent plus que les marques recourent aux influenceurs pour favoriser leur présence dans l’esprit et le cœur des consommateurs, ils sont très très sévères envers les blogueurs/instagrammeurs et consorts souvent taxés de « vendus ». Ils n’ignorent rien des placements de produits, comprennent que les créateurs de contenus soient rémunérés mais cela ne les empêchent pas de remettre en cause leur intégrité.
Ce manque de confiance est un véritable souci …
Si cette génération connait un peu le fonctionnement du marketing d’influence, ils ignorent tout de la typologie des influenceurs. Ils connaissent les stars de la télé-réalité, quelques artistes mais passent complètement à côté de l’importance des journalistes, des experts professionnels et des micro/nano influenceurs.
Certainement que la confiance, si elle doit émerger, viendra des influenceurs plus confidentiels, qui sont plus proches de leur communauté. Mais moins visibles également … le serpent se mord un peu par la queue dans le monde des influenceurs.
C'est parce que le secteur bouge qu'il est intéressant actuellement et comme je suis loin de posséder toutes les réponses à mes questions,
je m'entoure de professionnels du secteur.
Aussi, ces prochains semaines, j'aurais le plaisir de recevoir plusieurs invités - agences, annonceurs, influenceurs ... -
qui connaissent bien le marketing d'influence et décrypteront pour nous ses évolutions.
Le premier article est d'ores et déjà en ligne et c'est Catherine Cervoni qui a ouvert la voie : les journalistes sont les premiers influenceurs !
