le marketing d'influence

Les journalistes sont les premiers influenceurs … par Catherine Cervoni

Pour ce premier article sur le marketing d’influence, j’ai posé quelques questions à Catherine Cervoni, professionnelle de la communication, très active sur les questions de l’influence.

Catherine, pour ceux et celles qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Après plusieurs années passées chez l’annonceur, j’ai créé ma structure spécialisée en relations presse, média, influence et content

Le marketing d’influence est l’une de vos activités professionnelles et depuis de nombreuses années maintenant, vous suivez ses évolutions.
Je sens de mon côté et notamment dans la sphère voyage qui est la mienne, une transformation du marketing d’influence avec un retour très important vers les journalistes, aujourd’hui considérés comme des influenceurs essentiels alors qu’ils avaient été mis de côté lors de l’avènement des blogueurs.
Qu’en dites-vous ?

Mon travail consiste à assurer la visibilité des entreprises : en premier lieu par des relation presse soutenues par des actions de social media et des relations avec les influenceurs. Le tout s’appuie sur une stratégie de content marketing.

Il y a effectivement un retour en force de la reconnaissance des journalistes.

En réalité ils ont toujours été considérés comme les premiers influenceurs. Mais dans une période où il est difficile de retenir l’attention des médias, les marques ont cherché d’autres relais. Elles se sont tournées vers les blogueurs qui avaient également l’avantage de s’adresser à des cibles différentes des médias traditionnels. Ces blogueurs sont les premiers influenceurs. Des entreprises ont « marketé » et « industrialisé » cette façon de communiquer sous le nom « marketing d’influence ». Ces nouvelles plateformes ont su intéresser des marques toujours en recherche de visibilité et les médias se sont penchés sur ce phénomène … C’est finalement assez drôle que ce soit grâce aux médias que les e-influenceurs soient aujourd’hui reconnus 😉 

Pour illustrer la primauté des médias, je citerai deux études menées avec Cision.  La première date de novembre 2018 révèle que :

  • Pour 37,4 % des répondants B2B et B2C, l’influenceur idéal est le journaliste devant les influenceurs des réseaux sociaux (31,6%)
  • Ce chiffre est encore plus important en B2B pur : 42 % désignent les journalistes comme les meilleurs influenceurs pour leur marque. 

Cette tendance est confirmée par la dernière étude mondiale de décembre 2019 : 

  • 61 % des communicants déclarent que les efforts d’engagement sont axés sur les journalistes/médias traditionnels, en hausse par rapport aux 58 % enregistrés l’année précédente, au détriment des « nouveaux » influenceurs, qui perdent 3 points et tombent à 39%
  • 60 % sélectionnent les journalistes parmi les trois influenceurs les plus puissants en termes d’impact sur le comportement des consommateurs.
  • Quand on demande quel est le 1er influenceur, les répondants citent les journalistes à 27 %, les consommateurs ordinaires à 22,5 % et les célébrités à 16 %. Les « nouveaux influenceurs » réseaux sociaux n’atteignent que 8,5 %.

Micro, nano, méga … les influenceurs sont mis dans des cases selon la taille de leur communauté. J’y vois là un discours de professionnels du marketing mais qui est finalement peu adapté à celui des annonceurs, notamment des PME voir même des TPE qui peinent à comprendre ces catégories.
N’est-il pas temps de simplifier un peu les approches du marketing d’influence ?

En fait c’est assez cocasse car on n’arrête pas de dire que l’influence n’est pas mesurable par le nombre de followers (le fameux « ce n’est pas la taille qui compte ») mais c’est le seul moyen que l’on a trouvé pour catégoriser les « influenceurs »… et donc la façon de leur donner une valeur numéraire et donc de les « vendre ». Pourquoi ? Parce que l’on a toujours du mal à estimer le ROI réel…or après des années durant lesquelles tous les marketeurs se sont rués sur le marketing d’influence, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir une mesure autre que le nombre de vues d’un post…

Ceci est d’autant plus vrai pour les TPE et PME qui n’ont pas les mêmes budgets que certains grands groupes et qui sont particulièrement vigilants sur leurs dépenses.

Parlons un peu des nano-influenceurs. Ceux-ci sont régulièrement mis en avant par les médias spécialisés dans le marketing et souvent désignés comme étant un choix très judicieux pour les campagnes de communication des marques. Leur communauté est souvent fidèle et très engagée. Pour autant, les marques rechignent toujours autant à les rémunérer au prétexte justement de leur communauté réduite.
Ce qui est une force des nano-influenceurs est également leur croix. C’est là une position totalement ambivalente non ?
Les influenceurs doivent-ils être rémunérés d’après toi, quelle que soit la taille de leur communauté ?

Il faudrait définir ce que veut dire le terme « communauté engagée » et on en revient aux KPIs et ce qu’en attendent les marques. L’engagement va-t-il se mesurer juste au « bruit » que ces influenceurs vont faire sur les réseaux sociaux (nombre d’interactions, de commentaires, partages …) auquel cas c’est très bénéfique pour la notoriété quand l’influenceur véhicule un capital de sympathie, d’expertise … Ou bien l’engagement se mesure-t-il au nombre de produits achetés ?

C’est drôle que les marques se posent encore la question de la rémunération… elles ne se la posent pas quand elles font de l’achat d’espace sur un média ou sur des réseaux sociaux via des posts sponsorisés…

Très longtemps, les pro du marketing ont seriné aux influenceurs, qu’ils devaient se spécialiser, que parler à tout le monde revient à ne parler à personne.
Pourtant, on voit de plus en plus d’influenceurs touche à touche et les annonceurs semblent les apprécier. Je pense notamment aux influenceuses mode, très sollicitées par les destinations et par le secteur du voyage.
Les influenceurs doivent-ils tous redevenir des influenceurs lifestyle ?

En B2B, il est nécessaire d’avoir une certaine expertise pour être crédible et cela prend du temps d’acquérir quelques connaissances que ce soit en intelligence artificielle ou en blockchain… Le marketing B2C est moins mon domaine de prédilection. Mais après tout Georges qui a lancé une marque de café n’était ni planteur ni torréfacteur. Vu l’engouement qu’il suscite chez son public, il y a fort à parier que si demain on le payait pour promouvoir une marque de couche-culotte elle ferait fureur 😉

Les réseaux sociaux ont fait exploser la présence des influenceurs et Instagram notamment a fait du mal aux blogueurs, qui ont vu leur travail invisibilisé. Pourtant aujourd’hui, les blogueurs reviennent en force, reprennent la main sur leurs espaces, lassés de l’injustice des algorithmes des réseaux sociaux. Qu’en penses-tu ?

C’est bien vu. Mais il ne faut pas oublier que les 1er « instagrameurs/instagrameuses » à succès étaient des blogueurs. Beaucoup se sont « contentés » de poster uniquement des photos avec quelques lignes plutôt que de rédiger de longs articles. J’ai plusieurs amies blogueuses parentales, mode ou lifestyle qui m’ont dit avoir constaté que leur communauté ne lisait pas vraiment leurs articles. Il est vrai que nous sommes dans des domaines où les photos sont plus explicites que de longs textes.

Le retour en force des blogueurs est constaté dans l’étude monde de Cision précitée. On a vu que 60 % sélectionnent les journalistes parmi les trois influenceurs les plus puissants en termes d’impact sur le comportement des consommateurs… les blogueurs sont les 3ème.

Il est évident qu’il est préférable de publier sur son propre média que sur les réseaux sociaux uniquement.

Non seulement on maîtrise son blog sans dépendre des algo des réseaux sociaux mais en terme de référencement le blog est plus puissant que les seuls RS. Par ailleurs un article bien référencé est accessible très longtemps sur les moteurs de recherche alors qu’un post a une durée de vie très limitée…

Et dernière question pour terminer, comment vois-tu l’avenir du marketing d’influence dans les mois à venir ? Sera-t-il toujours une aubaine pour les entreprises ?

Je pense que le marketing d’influence a de beaux jours devant lui car effectivement les réseaux sociaux sont un canal au même titre qu’il y a eu la radio puis la télévision … les annonceurs se doivent d’être présents sur l’ensemble des supports où leurs cibles se trouvent. Mais je pense qu’ils seront de plus en plus exigeants quant au ROI et au choix des « e-influenceurs » avec lesquels ils travaillent. Certains sont devenus de véritables panneaux publicitaires et il y a fort à parier que leur communauté et les annonceurs vont se lasser. 

Pour avoir échanger avec quelques-uns récemment, ils s’orientent de plus en plus vers des personnes capables de véhiculer les valeurs de l’entreprise que des personnes avec un grand nombre de followers ou des influenceurs « homme-sandwich ».

Mais seront-ils prêts à payer pour travailler sur du long terme avec des « influenceurs » qui acceptent de ne promouvoir qu’un nombre limité de marques parce qu’ils croient réellement en elles ?

Quant à l’éthique qui est aujourd’hui un sésame dont nombre d’influenceurs se parent, elle va devoir être redéfinie… quand on voit que certains la promeuvent haut et fort mais ne mettent même pas la mention sponsorisée sur leurs posts on se dit que l’on a encore beaucoup de chemin à faire…

Retrouvez Catherine Cervoni sur Twitter : CathCervoni
Et sur son site professionnel : Catherine-Cervoni
Pour aller plus loin, voici les études citées par Catherine :
http://catherine-cervoni.com/focus-sur-les-etudes-et-livres-blancs
https://www.cision.fr/ressources/livres-blancs/etude-influence-ce-quen-pensent-les-professionnels-gate/                            http://catherine-cervoni.com/focus-sur-les-etudes-et-livres-blancs 

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