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Céline Cammarata, journaliste et Présidente du Club de la Presse Occitanie : « il faut nourrir son esprit critique ! »

Nouveau secteur d’activité sous mes projecteurs, celui du journalisme. Secteur déjà fragilisé, la crise sanitaire n’arrange pas la situation des rédactions et des professionnels.
Nous en avons discuté avec Céline Cammarata. Nous avons également évoqué avec elle les vagues de Fake News qui déferlent sur nos réseaux sociaux et les façons simples pour s’en prémunir.

Bonjour Céline, tu es journaliste. Peux-tu te présenter ?

Je suis journaliste pigiste en presse écrite. Cela signifie que je suis salariée comme tous les journalistes mais je travaille pour plusieurs rédactions, comme la Maison écologique, Midi, Sans transition Occitanie de façon régulière, et occasionnellement pour d’autres. J’ai développé des spécialités sur les droits des femmes, l’égalité femme/homme et l’habitat écologique.

Céline Cammarata la fille de l'encre
©OlivierDarock


Tu es également Présidente du Club de la Presse Occitanie.
De quoi s’agit-il ?

Le club de la Presse Occitanie a été fondé en 1984. Cette association à but non lucratif regroupe en son sein des journalistes et des communicant.es. C’est un lieu pour se rencontrer, comprendre, échanger, se soutenir et faire de la prospective.
Ses membres travaillent au sein de commissions sur des sujets dont ils et elles s’auto saisissent.
Une cellule de veille est dédiée à la défense de la liberté de la presse, des journalistes et réfléchit aux évolutions de la profession.

Depuis les attentats de Charlie Hebdo, le Club se mobilise au sein d’Esprit Critik en intervenant partout dans la région auprès des jeunes, de leurs familles pour parler théories du complot, infox… afin de les inciter à réfléchir et à s’interroger sur l’information en général et sur celles qui circulent sur les réseaux sociaux en particulier.
Bref cette commission veut muscler notre esprit critique et nous inciter à réfléchir grâce à l’intervention de binomes « 1 journaliste et 1 spécialiste des réseaux sociaux ». Elles font l’actu, un autre de nos commissions, travaille sur l’image des femmes dans nos médias et sur leur place dans la hiérarchie de nos rédactions. Une première en région.

Le club propose aussi de nombreux services avec des offres d’emploi, de stages… Beaucoup de formations, notamment pour réussir la transition numérique.

Comment se porte la presse, les journalistes depuis le début du confinement ?

On ne peut que saluer la continuité de l’information. Les journalistes assurent vraiment et font le maximum pour aller dans les quartiers, dans
les hôpitaux, les Ehpad, pour relayer les informations utiles pour la vie
courante. Mais forcément, c’est compliqué. Aussi compliqué que pour tout le monde !

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les journalistes depuis le début de la crise ?

Bien déjà, on évite de sortir en reportage, alors que c’est la base de la profession. Notre travail consiste justement à être sur le terrain. On voit d’ailleurs que dans les chambres de malades, ce sont les soignant.es qui
filment. Les expert.es s’interviewent à distance…

On commence à parler d’ores et déjà de fermetures de titres … selon toi, le secteur de la presse, déjà fragilisé ces dernières années, va-t-il souffrir davantage ? Un effet rebond est attendu ces prochains mois dans de nombreux secteurs, celui des médias pourrait-il en en bénéficier ?

C’est ma hantise. Je ne sais pas comment le Club pourra relayer la crise et ce qu’il va être possible de faire. Des rédactions avec lesquelles je travaille commencent déjà à nous dire qu’elles ne savent pas si elles pourront tenir.

Les médias indépendants sont fragilisés.

Il y a notamment le problème des pigistes, de la chute de leurs commandes car leur fonctionnement est précaire par essence mais gros ou petits titres, la santé du secteur souffrait déjà de nombreuses pathologies !
Le chômage partiel n’est-il pas une porte ouverte à des réductions de personnel ?

Avec la révolution du numérique et l’évolution de la société, nos métiers peinent à trouver un nouveau modèle économique. Alors bien évidemment le confinement empire la situation. Il joue sur le nombre de lecteurs et lectrices, sur le nombre d’annonceurs. En période de crise, les personnes comme les entreprises font des choix, forcément.
D’un autre côté quand j’entends une députée de la majorité dire qu’elle se
rend compte en période de confinement que la culture et la presse restent indispensables, je me dis qu’il y aura peut-être une prise de conscience.

Dans nos sociétés, il est facile d’oublier que la presse représente un pilier de la démocratie et –quoi qu’on en dise- un contre-pouvoir.

Depuis un moment déjà, on parle du désamour entre le public et les journalistes. Il semble que la crise du coronavirus n’arrange pas vraiment ce sentiment, certains journalistes étant montrés comme trop partisans du pouvoir en place. Penses-tu que la crise du covid-19 va accentuer cette distance ?

Les gens peuvent choisir de regarder la bouteille à moitié pleine, les erreurs commises et ignorer le travail sérieux accomplit quotidiennement. Le travail du personnel médical est relayé dans sa diversité : en milieu hospitalier, en ville, en EHPAD…
Des enquêtes creusent et cherchent à expliquer la pénurie des masques, des tests et des protections…. le pourquoi du manque de réactivité de notre pays.

Personne n’a oublié les alertes du milieu hospitalier. Les images –produites à l’époque par la presse- reviennent d’ailleurs en boucle de la réponse hautaine du président et d’autres avant lui à des infirmières qui tentaient de d’alerter, des manifestations durement réprimées.
Les reportages sur « ceux qui ne sont rien », mais qui font tourner le pays
durant la crise, se multiplient, comme les sujets sur les personnes qui ont quitté leur résidence principale pour se mettre au vert. Les médias parlent des multitudes d’initiatives solidaires, comme des attaques dont sont victimes le personnel médical, les pompier.es que certain.es habitant.es voudraient voir déménager.
Des expert.es sont interrogées sur les risques de dérives avec la modification du code du travail comme avec la crise économique qui se profile. La presse tente de couvrir largement les effets sur la société, la planète, les guerres… avec les difficultés qui sont les siennes.

On a les journalistes que l’on mérite.

On lit, on écoute et on regarde ce que l’on veut bien. C’est le message d’Esprit Critik : diversifiez les sources d’information, restez éveillé.es,
posez-vous des questions.
Les journalistes proposent pour que le public dispose d’informations variées et diversifiées encore faut-il ne pas se limiter à certains chroniqueurs parisiens.

N’y-a-t-il pas au contraire une opportunité tout à fait inédite pour les journalistes de revenir à un journalisme de proximité, plus engagé ? On parle de réinventer la société, n’est-ce-pas le moment de réinventer le journalisme ?

Bien évidemment, l’avenir sera ce que nous en ferons. Nous sommes bien conscient.es que notre profession doit évoluer, l’évolution est d’ailleurs permanente. Nous avons rencontré les gilets jaunes quand les journalistes étaient la cible de critiques. Nous cherchons à comprendre et à nous améliorer. La présence des femmes, la diversité font surement parties de l’équation.

Notre pratique a terriblement changé dans les 20 dernières années mais nos conditions de travail se sont aussi dégradées et surtout cette demande permanente d’aller plus vite, de réagir comme des machines nous pousse à la faute. Le journalisme demande de l’analyse, du recul, de la distance et de la réflexion.
Revenons aux fondamentaux et ne perdons pas de vue que les journalistes sont humain.es et donc faillibles. Je ne manque jamais de le dire dans les collèges et lycées.

Nous avons travaillé toutes les deux à démonter les fake-news auprès de collégiens et de lycées dans le cadre de l’action Esprit Critik porté par le Club de la Presse Occitanie. Or, on le voit aujourd’hui, les fake news sont partout et surtout colportés par les adultes.
Quels conseils donnerais-tu aux utilisateurs des réseaux sociaux pour se prémunir contre les intox qui circulent pendant cette crise ? 


En effet, le club a pu bénéficier de ton investissement, notamment sur ce projet.

Les conseils ne varient pas : déjà bien lire les articles, les lire jusqu’au bout avant de partager ou de commenter. Le partage va tellement vite !
Et puis des choses toutes bêtes : il faut vérifier qui est l’auteur, la date de parution…
Jetez un œil sur le compte de la personne si on ne la connait pas. Les trolls sans abonnés, les personnes qui se cachent sous des pseudos…
Sur internet comme en toute chose dans la vie, réfléchir à deux fois.

Nourrir son esprit critique. Il faut entretenir notre matière grise.
Elle s’use que si l’on ne s’en sert pas.

Retrouvez Céline Cammarata sur son blog Regard'elles
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